ABDOU KARIM FAYE, ENSEIGNANT A L’UCAD SUR LA RELANCE ECONOMIQUE: «Le Sénégal doit actionner les leviers budgétaire, monétaire et fiscal »

Eco-Finance

Enseignant –chercheur en sciences de gestion à l’UCAD, Abdou Karim Faye livre la clé pour une bonne relance de l’activité économique. Dans cet entretien, il affirme que l’Etat devra actionner trois leviers pour réussir le PREN. Il s’agit, selon lui, de trouver des moyens pour couvrir son déficit budgétaire (levier budgétaire), d’injecter de la liquidité dans l’économie (levier monétaire) à travers les institutions financières et enfin le levier fiscal par des réductions d’impôts, de politique d’assouplissement des remboursements de crédit et de réduction des taux d’intérêt.

WalfQuotidien: Depuis le début de la crise sanitaire, le gouvernement parle d’un plan de relance de l’économie nationale (Pren). Ce plan est-il l’unique moyen de redémarrer l’économie nationale ?

Abdou Karim FAYE: A chaque fois qu’un pays est touché par une crise (alimentaire, sécuritaire, sanitaire…), son économie s’en retrouve grippée, ralentie. Pour la relancer, il faut, d’habitude, des mesures de soutien indirect à l’économie couplant des mesures monétaires à un stimulus budgétaire. A ce titre, il me semble important, que le Sénégal, à l’instar des autres pays, puisse maitre en œuvre un plan de relance de l’économie nationale (PREN). Un plan qui, idéalement, ne devrait laisser aucun sénégalais pour compte. Mais la question est de savoir, si le Sénégal en a-t-il les moyens, au regard du nombre de secteurs impactés par la covid19 ? Ou va-t-il faire focus sur les secteurs les plus pourvoyeurs de recettes à l’économie ?

Ne pensez-vous pas que le gouvernement a pris du retard ?

Il est évident que beaucoup d’entreprises, dans bien des secteurs (l’automobile, les biens de consommation durable, le commerce de détail, le textile habillement, l’hôtellerie, les loisirs et le tourisme, le secteur bancaire, les transports notamment le secteur aérien, la construction immobilière, etc.), aujourd’hui, sont très affectées par la pandémie de la covid19. Par conséquent, elles ont besoin et attendent l’appui du gouvernement pour atténuer l’impact économique de cette crise. Même si, l’Etat a fait des efforts appréciables avec le plan de résilience économique et sociale (PRES).

Cependant, la pandémie de la covid19 est loin d’être éradiquée, et l’avenir semble incertain et du coup, risque d’être difficile pour le tissu économique sénégalais. L’Etat doit alors, sans plus tarder, peaufiner ce plan et le maitre en application avant que la situation ne puisse avoir des répercussions sur la solvabilité de certains ménages et/ou entreprises et in fine, sur celle du secteur financier dans son ensemble.

Mais, si un tel plan est jusqu’alors attendu, c’est, en partie, lié au fait que de profondes incertitudes demeurent quant à l’ampleur des répercussions de la crise actuelle sur l’activité économique ainsi que sur la forme de la reprise, en « U » ou en « V ».

Quels leviers le gouvernement devrait-il actionner pour une reprise rapide de l’économie?

Il ne faut pas oublier que, bien avant la covid19, le Sénégal s’était pleinement lancé dans un programme économique (PSE) dont une bonne partie a été, soit gelée, soit ralentie. Il faut, très rapidement, remobiliser des fonds pour relancer ces activités. Pour cela, le levier budgétaire doit être activé. En effet, Aujourd’hui, plus de 140 gouvernements sur l’ensemble des zones géographiques ont annoncé des mesures en réponse au Covid-19 dont plus de 50 en couplant des mesures monétaires à un stimulus budgétaire et/ou des mesures de soutien indirect à l’économie, tels que des mécanismes de garantie, et ce panorama évolue chaque jour.

L’Etat du Sénégal devra ainsi trouver des moyens pour couvrir son déficit budgétaire (levier budgétaire). Par ailleurs, pour relancer une économie, il faut aussi injecter de la liquidité dans l’économie (levier monétaire) à travers les institutions financières (banque, microfinance), mais également pour venir en aide, directement, aux citoyens nécessiteux. Il faut ensuite inciter les acteurs économiques dans la production et la commercialisation par des mécanisme de subventions ou des réductions d’impôts, de politique d’assouplissement des remboursements de crédit et de réduction des taux d’intérêt des prêts aux unités économiques (levier fiscal). Enfin, pour les ménages, l’Etat doit veiller à la maitrise de l’inflation (hausse des prix).

En effet, en cette période de crise, il est fort probable que, beaucoup de pays exportateurs de biens et services, ne puisse produire suffisamment. Dans ce cas, l’offre deviendrait inférieure à la demande, et provoquerait une hausse des pris des matières premières qui serait répercutée sur le prix de vente aux consommateurs. L’Etat devrait alors combiner des mesures fiscales (baisse des taxes à l’importation) et budgétaires (subventions des denrées de premières nécessités). Le chômage s’étant accentué avec la pandémie, il faut une nouvelle politique d’emploi et cela passe par la création d’unités industrielles de taille suffisamment grande pour absorber un grand nombreux de demandeurs de travail.

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