ABDOUL MBAYE: «La stratégie d’endettement a conduit dans une quasi-impasse»

Eco-Finance

N’est-ce pas une manière pour Macky Sall de répondre à ceux qui critiquent le niveau de cette dette?

Abdoul Mbaye: Cela dépendra de la qualité des intervenants invités à cette conférence. Leurs profils seront en rapport avec l’objectif recherché. Macky Sall pourrait avoir simplement besoin de mieux comprendre comment s’endetter et pourquoi sa stratégie d’endettement l’a conduit dans une quasi-impasse. Si les participants à cette conférence sont des spécialistes de qualité et de haut niveau, il comprendra alors pourquoi l’ajustement structurel dans lequel sa politique d’endettement a plongé le Sénégal est devenu nécessaire, bloquant ainsi toute perspective de développement durable et remettant en cause son objectif de pré-émergence du Sénégal.

Aujourd’hui, comme il a eu à le dire lui-même, l’objectif est au remboursement de la dette extérieure accumulée de manière inconsidérée, et au paiement des fonctionnaires. Les piliers du PSE sont remis à plus tard, en particulier le développement de l’agriculture et du tourisme, la diversification de l’économie notamment celle exportatrice, le renforcement du capital humain par la formation, l’amélioration des soins de santé, lequel devait conduire à l’augmentation de la productivité du travail, également les gains en productivité des facteurs, etc….

Cette dette est-elle soutenable?

Une dette reste soutenable tant qu’elle vous permet de mettre en œuvre votre stratégie de développement dans la durée. Mais lorsque son remboursement s’invite comme première priorité dans vos démarches budgétaires et économiques, c’est qu’elle a cessé d’être soutenable. A ce moment-là elle remet en cause votre stratégie dans le moyen et le long terme, celle qui vise à construire des résiliences positives et constructives. Avec l’accompagnement du FMI, le remboursement de la dette, notamment extérieure, devient la priorité des priorités. Cela nécessite une stricte surveillance du déficit public et donc de la dépense publique au service du développement économique et social : les politiques publiques se mettent ainsi au service du recul de croissance et de développement.

En outre, dans la mesure où le service de la dette exige des ponctions importantes sur les réserves de change au-delà de l’effort budgétaire, les ménages et citoyens sont mis à contribution pour réduire leurs dépenses. Pour ce faire les salaires sont bloqués, et des ponctions opérées sur leurs revenus par l’augmentation des taxes mais aussi celle de prix tels ceux de l’électricité, etc… C’est actuellement le cas au Sénégal. Nous avions tôt prévenu de ce que Macky Sall nous conduisait vers cette triste situation. Nous avions malheureusement raison. Mais il était guidé par des impératifs de réélection, donc de politique politicienne aux dépens de ceux d’un développement durable bénéficiant aux populations sénégalaises. Tout est question de priorités et de gouvernance.

N’existe pas d’autres sources de financements en dehors du financement extérieur?

Il ne s’agit pas de renoncer à l’endettement extérieur, mais de bien le gérer (choix des projets financés, choix des devises d’emprunt, arbitrage des taux d’intérêt, marge d’endettement par rapport à ses exportations et à son budget, etc..). Aussi de bien agir lorsque que le financement extérieur provoque une crise en devenant insoutenable, le tout pour préserver un développement durable, et ne pas casser une dynamique de croissance qui existerait au profit des populations. Au Sénégal, pour venir au secours du maintien de l’investissement productif aussi bien pour l’investissement en infrastructures que social, la voie passe d’abord par la fin de la gabegie au sein de l’administration, la lutte contre une corruption devenue endémique et protégée au plus haut niveau de l’Etat.

Selon moi, cette source de financement de l’économie suffirait à couvrir l’intégralité du service de la dette extérieure actuelle de notre pays. Aujourd’hui l’Etat sénégalais ne peut plus être locomotive d’une émergence parce qu’empêtré dans un exercice d’ajustement structurel. Il n’y a donc d’autres solutions qui ne soit de faire assurer ce rôle par le secteur privé, souvent en partenariat public-privé. Cela repose cependant sur des prérequis liés à l’environnement des affaires au sens le plus large possible. Il y a malheureusement de très gros progrès à accomplir par notre pays dans ce domaine, le temps jouant contre nous.

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