Accord de Pêche UE-Sénégal: La position des pêcheurs artisanaux

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Dans un communiqué la confédération africaine des organisations professionnelles de la pêche artisanale (Caopa) affirme qu’il faut nous poser les bonnes questions.

Cette semaine, le Parlement européen a donné son aval au protocole d’accord de partenariat de pêche durable (APPD) qui sera mis en œuvre jusqu’en 2024.Mis à part deux chalutiers pêchant le merlu, la quasi-totalité des bateaux qui pêcheront à travers cet APPD sont des bateaux pêchant les thons: 28 thoniers senneurs congélateurs, 10 thoniers canneurs et 5 palangriers (espagnols, français et portugais).

Dans la foulée de l’approbation du protocole d’accord par le Parlement européen, de nombreux articles sont parus dans la presse sénégalaise criant au scandale: «l’accord permettrait aux bateaux européens de piller des milliers de tonnes de ressources appartenant au Sénégal, mettant en péril la pêche artisanale, tout en payant une contrepartie très modique: 1 700 000 euros par an. »

Les thonidés sont des espèces de poissons grands migrateurs qui voyagent dans tout l’Atlantique, en haute mer, mais aussi passant par les Zones Economiques Exclusives des pays africains riverains de l’Atlantique, dont le Sénégal. Ces thonidés sont gérés par la Commission Internationale pour la Conservation des Thonidés de l’Atlantique (CICTA, ou ICCAT en anglais). Un des rôles de l’ICCAT est de fixer des limites de captures pour une série de thonidés (comme l’espadon, le thon obèse, etc.), et de partager ensuite ces ressources thonières entre ses membres qui ont un intérêt pour ces pêcheries par des quotas, et de faire des recommandations de gestion durable pour d’autres espèces (total de captures admissibles pour l’albacore, etc) sans délivrer de quotas. Pour toutes les espèces, les pays membres désirant développer leur pêcherie doivent soumettre un plan de développement durable au niveau de l’ICCAT.

Accès aux thonidés et autres espèces sous quotas du Sénégal et de l’UE

Les thons qui passent à un moment de l’année dans les eaux du Sénégal n’appartiennent pas au Sénégal. Pour ceux qui sont sous quotas, ils « appartiennent » aux pays qui ont reçu les quotas de l’ICCAT. Pour les autres, ils appartiennent à ceux qui les pêchent.

Comme les thons n’appartiennent pas au Sénégal, l’UE, dans le cadre de l’APPD, demande et paie simplement au Sénégal un droit d’entrée dans ses eaux – l’UE ne paie pas pour pêcher le poisson sénégalais, comme elle le fait par exemple en Mauritanie ou en Guinée Bissau. C’est aussi pour cette raison que la compensation pour un accord thonier est plus faible que pour un accord « mixte », où les bateaux européens viennent pêcher des ressources qui appartiennent au pays côtier.

S’il n’y avait pas d’accord avec le Sénégal, les bateaux européens continueraient à pêcher ce thon en dehors des eaux sénégalaises, lorsqu’il se trouve en haute mer ou dans les ZEE des pays voisins avec qui l’UE a un accord, et le Sénégal n’en retirerait aucune compensation financière.

Ce qui pose question, c’est pourquoi le Sénégal ne montre maintenant que peu d’intérêt pour développer un secteur solide de pêche thonière locale, y compris pour la pêche artisanale, comme ce fut le cas dans les années 70 avec la flotte thonière de la SOSAP (Société Sénégalaise d’Armement à la Pêche). Le Sénégal n’a pas soumis de plan ambitieux de développement d’une flotte thonière sénégalaise au niveau de l’ICCAT. Pour les espèces sous quotas, le Sénégal ne reçoit que des miettes au niveau de l’ICCAT.

C’est d’autant plus étonnant que, à côté de cela, le Sénégal est présent depuis 2006 à la Commission thonière de l’Océan indien, et envoie aussi des thoniers sénégalisés pêcher au Liberia. Ne serait-il pas plus judicieux pour le Sénégal de se concentrer sur le développement d’une pêche thonière durable, y compris artisanale, dans ses propres eaux, plutôt que de laisser la pêche au thon en grande partie dans les mains d’acteurs étrangers, avec peu de retombées pour la pêche locale?

Nous demandons donc que le Sénégal, en concertation avec les acteurs du secteur de la pêche, élabore un plan de développement durable de la pêche thonière sénégalaise, y compris artisanale, et soumette ce plan au niveau de la CICTA afin d’avoir un meilleur accès aux ressources et des quotas à l’avenant.

L’UE, de son côté, devrait encourager cette réflexion au niveau de la région pour le développement d’une pêcherie thonière artisanale (comme c’est le cas déjà aujourd’hui au Ghana) et encourager le dépôt par le Sénégal, au niveau de la CICTA, de plans de développement durable d’une telle pêcherie.

 

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