Procès Prodac : un enjeu pour la démocratie sénégalaise?

à la une Contribution

Par Éphrem Manga

Le procès de l’affaire Prodac qui oppose le ministre du Tourisme, Mame Mbaye Niang, au leader du Pastef Ousmane Sonko, a été reporté pour une seconde fois, jeudi 16 mars, au 30 mars prochain, après une journée de violences, de pillages et de tensions à Dakar et dans plusieurs autres localités du pays avec son lot de victimes. Ce dossier judiciaire, concernant des accusations « de diffamation, d’injures publiques et de faux et usage de faux liés » à un présumé détournement de fonds publics dans le cadre du Programme des Domaines Agricoles Communautaires (Prodac), vise Ousmane Sonko, chef de l’opposition sénégalaise.

Face à cette situation qui met en péril la stabilité et la paix dans notre chère nation, nous lançons un appel à la responsabilité et au dialogue entre les acteurs politiques. Nous demandons aux autorités gouvernementales de respecter le principe de séparation des pouvoirs, sans chercher à utiliser les institutions judiciaires comme des armes politiques. Il est également important que les leaders de l’opposition respectent le principe d’Etat de droit, sans recourir à la mobilisation ou à la contestation pour faire obstruction à la justice.

Ce procès me renvoie à une expérience personnelle que j’ai vécue en 2020. Une situation tendue dont beaucoup se souviendront aisément et qui a failli mettre le feu aux poudres. Car, il suffisait d’un appel pour que le pays s’embrase. Alors que j’étais au cœur de cette crise, j’avais choisi de ne pas me rendre à l’audience prévue au tribunal de Dakar, après avoir informé tous ceux qui voulaient m’accompagner de ma décision de ne pas m’y rendre. Le jour J, je me suis finalement présenté avec mon épouse et deux autres personnes alors que l’autre partie était accompagnée de centaines de personnes. La suite, vous la connaissez : l’intérêt général a été privilégié !

Le Sénégal est un seul pays uni, qui doit tout faire pour préserver l’unité nationale et le respect des institutions et les sénégalais aspirent à une alternance démocratique et pacifique. Cela, nous en sommes convaincus, ne peut se réaliser que dans un climat de confiance et de sérénité. L’élection présidentielle de 2024 est certes un enjeu majeur pour l’avenir du pays, mais elle ne doit pas être une source de division ou d’affrontements sanglants et dévastateurs.

Tous les acteurs politiques doivent donc faire preuve de responsabilité et de patriotisme, en privilégiant le dialogue et le consensus sur les questions d’intérêt national. Nous les exhortons à se mettre les uns à la place de l’autre, en se posant les questions suivantes : « Si j’étais au pouvoir, comment traiterais-je une opposition déterminée ? Si j’étais dans l’opposition, comment agirais-je face à un pouvoir qui cherche à conserver son autorité ? Si j’étais un simple citoyen, qu’exigerais-je des responsables politiques ? »

Autrement, nous les encourageons à une introspection sereine et sincère pour davantage prendre conscience des enjeux qui dépassent leurs intérêts personnels ou partisans et favoriser une prise de distance par rapport aux passions ou aux rancœurs qui peuvent biaiser ou radicaliser les positions. L’urgence est de renforcer le dialogue républicain et le respect mutuel entre les acteurs politiques. Car, c’est seulement par le dialogue et le respect de l’autre que nous pourrons construire ensemble un Sénégal plus fort, plus juste et plus prospère.

Dans cette démarche, nous ne pouvons rester privés de la voix de sagesse de nos autorités religieuses. Elles ne peuvent nous laisser orphelins de leurs exhortations et appels à la paix, la stabilité et à la retenue, en rappelant les valeurs de tolérance et de dialogue qui caractérisent le Sénégal. Par ces temps où nos compatriotes manquent de confiance en la justice en termes d’impartialité et d’indépendance par rapport à l’exécutif, nos autorités religieuses devraient certainement avoir un message à l’endroit des personnes et institutions qui l’incarnent dans ce pays. Et comment ne pas souhaiter les voir et entendre s’adresser directement au Président de la République, dont sa mission prioritaire est aussi de veiller à la stabilité, la paix, la libre circulation des personnes et des biens ? Une mission à laquelle les leaders de l’opposition ainsi que l’ensemble des citoyens sont coresponsables.

Vive la paix dans notre nation et surtout la paix dans la justice !

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *