Abdou Khadre DIENG: Maître de Conférences Titulaire à la Faseg et chercheur au Crea : «Il sera très difficile de réaliser une croissance de 13 % en 2023

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 Abdou Khadre DIENG: Maître de Conférences Titulaire à la Faseg et chercheur au Crea : «Il sera très difficile de réaliser une croissance de 13 % en 2023»

Le président de la République a projeté une croissance à deux chiffres, 13 % en 2023 grâce surtout à l’exploitation du pétrole. Un pari difficile à réaliser, selon Abdou Khadre Dieng. Maître de Conférences Titulaire à la faculté des Sciences économiques et de gestion de l’Ucad et chercheur au Centre de recherches économiques appliquées (Crea) il estime que cet objectif sera difficile à réaliser. D’abord parce qu’entre 2021 et 2022, les politiques élaborées ne porteront pas encore totalement leurs fruits, ensuite parce que les entreprises qui exploitent le pétrole étant étrangères pour l’essentiel, la croissance ne sera pas inclusive.

WalfQuotidien: Comment jugez-vous le plan PAP 2A présenté hier par le président Macky Sall ?

Abdou Khadre DIENG : Le plan Pap 2A présenté hier par le Président Sall peut être jugé comme pertinent. Il a globalement pris en charge les secteurs clés de l’économie sénégalaise que sont l’agriculture, la pêche, l’industrie, les Btp, le tourisme, le transport, les télécommunications et le commerce. Il a également pris en compte l’existence de la pandémie qui a ralenti considérablement la dynamique de l’économie enregistrée ces dernières années. La pertinence de ce Pap 2A ajusté est renforcée par sa répartition en trois axes stratégiques du Pse mais aussi et surtout en mettant en exergue la souveraineté économique.

Peut-il permettre une reprise rapide de l’économie ?

Le Pap 2A peut permettre une relance de l’économie mais la dimension temporelle dépendra de la réactivité de certains facteurs. Actuellement, les deux dimensions les plus importantes de l’économie ont subi un choc psychologique causé par la crise. Ces dimensions sont l’offre et la demande. D’abord, du côté de l’offre, l’Etat devra redonner confiance aux producteurs et maximiser l’incitation au financement. Pour cela, les banques doivent être en mesure d’accorder des financements au secteur privé avec des conditions plus souples avec l’intervention de la banque centrale. Dans ce cas, les entreprises informelles doivent être intégrées car le véritable défi est de promouvoir un changement structurel de l’économie par la promotion de la productivité des entreprises du secteur privé qui est largement dominé par l’informel. Cet aspect est largement pris en charge par le premier axe stratégique du Pse.

Il y a également un besoin urgent de modernisation des secteurs de l’agriculture, du transport, de l’artisanat et du commerce. Nous ne devons plus compter sur les trois mois de la saison des pluies mais nous devons mettre en œuvre une agriculture en plein temps. Le financement pourrait même être orienté vers l’agro-industrie. Le secteur des Btp qui a beaucoup contribué à la croissance économique de par le passé, a besoin de soutien pour se relever véritablement et jouer pleinement son rôle. C’est également le moment de soutenir le privé national en le protégeant de la concurrence internationale. L’Etat devra également jouer sur le capital humain pour faciliter davantage la compréhension et la pratique de ses politiques qui seront mises en œuvre. Pour chaque point évoqué, l’Etat a présenté des engagements dans le moyen et le long terme.

Du côté de la demande, l’Etat soutiendra le consommateur dans le court, le moyen et le long terme. Il continuera le programme de bourses de sécurité familiale (Bsf), le Projet de production de cartes d’égalité des chances, le Programme d’urgence de développement communautaire (Puma), la Couverture maladie universelle, etc. A ce niveau, l’Etat devrait mettre davantage l’accent sur l’éducation et la formation pour améliorer considérablement l’employabilité. Ces actions pourront être mises en œuvre dans le moyen terme mais le retour d’investissement se fera certainement dans le long terme. Donc, le Pap 2A pourra permettre une relance de l’économie sénégalaise mais pas dans le court terme. La reprise ne sera pas rapide comme certains le pensent.

Macky Sall parle d’une croissance de 13 % en 2023 grâce à l’exploitation du pétrole. Cela est-il réalisable ?

Il sera très difficile de réaliser une croissance de 13 % en 2023 même avec l’exploitation du pétrole. D’abord, les prévisions de 2020 sont de l’ordre de -0,7 % à moins 1 %. Entre 2021 et 2022, les politiques élaborées par l’Etat ne porteront pas encore totalement leurs fruits en plus des conséquences de la Covid-19 qui pourront encore être là. Ensuite, l’Etat du Sénégal est au bord de la limite autorisée dans l’Uemoa en matière d’endettement. Notre taux d’endettement est de 69 %, qui est déjà à surveiller en raison des normes communautaires. Enfin, les industries pétrolières qui seront en charge de l’exploitation seront étrangères pour l’essentiel, ce qui ne favorisera pas une croissance inclusive. Le défi, c’est d’associer le secteur privé national à l’exploitation du pétrole dans un délai raisonnable afin de promouvoir une croissance inclusive.

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