La réduction du train de vie de l`Etat : une demande sociale Urgente

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Par Aloyse Jules Diouf

Le peuple Sénégalais vient d`opter pour la rupture en élisant son plus jeune Président de la république (44 ans) avec un score de 54,2 % dès le premier tour. Parmi les chantiers qui attendent ce nouveau gouvernement Bassirou Diomaye Faye devra tenir compte de la réduction du train de vie de l`Etat devenue une demande sociale et un thème de campagne.

Extrait de mon livre : « Réduire le chômage à sa plus simple expression : comment créer un 1 million d`emplois verts ».

Dans mon livre intitulé « Réduire le chômage à sa plus simple expression » : «Comment créer 1 million d`emplois verts, » j`émets une réflexion sur les priorités de l`Etat en matière de réduction du train de vie de ce dernier appelé le plan « SAKANAL ». 1

Les dépenses publiques constituent une composante importante de la demande agrégée en termes de proportion au PIB. Elles sont souvent comprises entre 20 et 50% dans notre pays selon les secteurs. Il n’est donc pas étonnant que cette variable fasse l’objet de nombreuses investigations quant à ses effets sur l’activité. L’impact de certaines dépenses sur la pauvreté et le bien-être des populations reste marginal au regard des sommes engagées.

Il s’agit d’un instrument d’intervention de l’Etat dont les motivations peuvent être variables en fonction des priorités. A cet égard, il est évident que la question du financement des dépenses publiques, donc de la mobilisation des recettes, est déterminante. Les conséquences peuvent être sévères en termes de dégradation du déficit budgétaire et d’endettement. La qualité de la dépense publique est tout aussi importante au regard des implications sur la santé des finances publiques et des distorsions que crée la taxation au sein des agents économiques.

L`économie Sénégalaise est caractérisées par un manque de ressources accentué par une assiette fiscale limitée face à des besoins urgents de développement et de réduction de la pauvreté. Cette situation est parfois aggravée notamment lorsque l’Etat est contraint de mettre en place des appuis à la consommation pour contrer des mouvements adverses de prix et soulager ainsi les couches vulnérables de la population. Dans ces conditions, comment poursuivre les importants programmes d’investissements publics sans dégrader significativement le déficit budgétaire? Face à une marge de manœuvre limitée en termes de collecte de recettes fiscales, l’amélioration de la qualité des dépenses publiques s’impose plus que jamais.

La raréfaction des flux de capitaux et d’appuis provenant des pays avancés du fait de la conjoncture défavorable marquée par des crises répétées ne fait que renforcer les arguments en faveur d’une meilleure efficacité des dépenses publiques. En d’autres termes, l’État, dans sa mission régalienne de fourniture de biens et services, doit telle une entreprise privée adopter une approche exigeante en matière de qualité et d’efficacité. Au Sénégal, les dépenses publiques représentent une part significative du PIB (26,7%) pour 2023 et ont connu une progression importante de 10% en moyenne sur la période (2012-2023).

En 2023, les dépenses publiques du Sénégal se sont considérablement dégradées atteignant 4.9% du PIB à cause principalement des facteurs externes et internes. Au plan externe, la survenue de crises (Covid 19, flambée des cours mondiaux des produits alimentaires et pétroliers, crise financière internationale ont poussé l’Etat à recourir à des mesures d’atterrissage visant à réduire les impacts sur l’activité économique et les ménages. A cela, s’ajoutent des faiblesses structurelles internes au niveau du secteur de l’énergie ayant nécessité le déploiement d’un plan onéreux de soutien au sous-secteur de l’électricité.

Le ratio de dette publique aurait avoisiné 74% du PIB en 2023, nettement au-dessus du seuil de 70% fixé comme critère de convergence au sein de l’UEOMA. Le risque de surendettement reste modéré mais doit être surveillé selon le FMI. Il est dès lors impératif d’améliorer la qualité des dépenses publiques étant donné que des amputations du budget d’investissement portent atteinte à la dynamique économique compte tenu des besoins urgents de développement et de réduction de la pauvreté.

Le gaspillage dans l’utilisation des ressources disponibles constitue une source majeure de sous-optimalités. Les économies dégagées grâce à une meilleure affectation du budget confèrent davantage de marges de manœuvre surtout dans un contexte de rareté des ressources.

Parmi les solutions préconisées pour financer l’emploi figure le grand projet « Sakanal » qui vise à optimiser les dépenses de l`Etat dans les différents ministères, les agences, et les démembrements de l’État. Ce plan passe nécessairement par l’évaluation des politiques publiques, mais aussi l’efficacité des programmes qui jusqu’ici fonctionnent en roue libre sans véritable audit ni analyse de leur rentabilité.

  1. Réduire le budget de la présidence
  2. a) « Charité bien ordonnée commence par soi-même. »

Le budget de la présidence de la République du Sénégal est estimé à 71,1 milliards pour l’année 2023 contre 72 milliards en 2022. Le budget de la République du Sénégal est dominé par les transferts courants qui représentent 37 milliards de francs CFA. La masse salariale représente le second poste avec 12,3 milliards, en progression de 700 millions.

  1. b) À quoi servent les fonds spéciaux ?

Dans le jargon académique, le transfert courant est une opération par laquelle une unité institutionnelle fournit un bien ou un service à une autre unité, sans recevoir un bien ou un service en contrepartie directe de cette dernière et qui n’oblige pas une des parties ou les deux à acquérir ou céder un actif. Mais en langage politique, selon Mamadou Lamine Diallo, député de l’Assemblée nationale, les transferts courants ne sont rien d’autre que des fonds politiques au service du président de la République, logés dans la rubrique des « transferts courants » , fonds de solidarité africaine, fonds spéciaux, fonds d’intervention sociale et autres transferts courants . En vérité, ces fonds sont destinés à entretenir une clientèle politique au service exclusif d’un parti politique.

2-Réduire le budget de fonctionnement de l’Assemblé Nationale.  

Réunie en séance plénière le 26 juin 2023, l’Assemblée nationale a adopté le projet de budget qui sera de 7 000 milliards de francs CFA en 2024 contre 6 411 milliards cette année. En effet, comparé à la loi de finances initiale 2023, le projet de loi de finances 2024 devrait connaître une hausse de plus de 585 milliards. Il s’agit là d’un quasi triplement du budget en douze ans, puisque le budget initial en 2012 était de 2 344 milliards de francs CFA. La part du budget de l’Assemblée nationale est estimée à 17 milliards pour l’exercice 2022 et probablement 20 milliards pour 2024. Une réduction du budget de l’Assemblée nationale pourra contribuer à hauteur de 2,4 milliards au fonds mis en place pour l’emploi.

3-Réduire les dépenses en matière d`énergie.

Le Sénégal dépense plus de 4 % de son PIB dans les subventions d’électricité, des produits pétroliers (essence, supercarburant et gasoil) et du gaz butane. La subvention de l’électricité prend la forme d’une compensation tarifaire à verser à la Société Nationale d’Électricité (SENELEC).

Dans les conditions économiques actuelles, cette subvention devrait coûter 279,8 milliards de francs CFA au budget de l’État en 2023. La subvention des produits pétroliers et du gaz prend la forme d’un remboursement des pertes commerciales supportées par les compagnies, obligées de vendre à des prix inférieurs au prix du marché. Cette subvention atteindra 524,7 milliards de francs CFA en 2023 si aucune mesure n’est prise pour la contenir. Au total donc, les subventions énergétiques franchiront la barre des 800 milliards de francs CFA en 2023, après avoir coûté 750 milliards de francs CFA en 2022, selon le ministère des Finances et du Budget. Le gouvernement a décidé de supprimer les subventions dans le secteur de l’énergie d’ici 2025, ce qui représenterait 99 milliards par an. Ce montant pourrait être affecté pour moitié, soit 50 %, à la réduction du coût du kilowattheure et d’autre part, 45 milliards à l’emploi des jeunes.

4-Réduire le parc automobile pour réduire le coût de l’essence

Parmi les gisements d’économies identifiés pour réduire le train de vie de l’État afin de financer les emplois verts, on peut recenser la consommation de carburant pour le compte du gouvernement sortant avec 40 milliards de consommation d’essence et de diesel par an et une consommation mensuelle par véhicule qui peut grimper à 1000 litres par mois. Entre 2012 et 2022, l’État a dépassé 147 milliards en véhicules pour l’administration.

Cependant, L’État du Sénégal a engagé une réforme en profondeur des modalités d’acquisition, d’utilisation et de gestion des véhicules adminitratifs, avec comme objectifs principaux de réduire les dépenses budgétaires liées à l’acquisition, l’utilisation, la réparation et l’entretien des véhicules administratifs, tout en faisant participer le secteur privé à la prise en charge des besoins de déplacement des structures de l’administration en vue de rationaliser et d’optimiser son parc automobile. Une réduction du budget de 20 % pourrait faire économiser huit milliards de francs CFA et réduirait l’empreinte carbone . Rappelons qu’une voiture produit en moyenne 4,6 tonnes de dioxyde de carbone par an.

5-Réduire les billets d’avion et indemnités de déplacement

Le Sénégal compte 174 000 fonctionnaires avec une masse salariale estimée à 1 273 milliards de francs CFA. Notre pays dépense plus de 25 milliards en frais de déplacement à l’étranger. Le Covid 19 a montré qu’une part importante des déplacements n’était pas nécessaire et pouvait être remplacée par les conférences call voire le télétravail. Les voyages à l’intérieur et à l’extérieur constituent une part importante dans le budget de fonctionnement de l’État. En effet, l’envoi à l’étranger des membres du gouvernement, des magistrats, des personnels militaires des armées et de la gendarmerie, des fonctionnaires et agents de l’État et personnels assimilés est soumis à l’accord du ministre, secrétaire général du gouvernement ou de son délégataire. Pour les présidents d’institution, les ministres, les secrétaires généraux de ministères, les directeurs de cabinets, les directeurs généraux, entre autres perçoivent une indemnité comprise entre 200 000 et 250 000 par jour avec un maximum de 21 jours .

6-Fusionner le Conseil Économique, Social et Environnemental (CESE) et le Haut Conseil des Collectivités Territoriales (HCCT).

 1- Le Conseil Économique, Social et Environnemental (CESE)

Le Conseil Économique, Social et Environnemental est la deuxième assemblée constitutionnelle du pays . Il constitue, auprès des pouvoirs publics, une assemblée consultative et peut être saisi par le président de la République, l’Assemblée nationale ou le Premier ministre au nom du gouvernement, pour demande d’avis ou d’étude. Composé des forces vives de la nation, le CESE est un lieu de collaboration et de participation des catégories socioprofessionnelles à la politique économique, sociale et environnementale. Il en examine les évolutions et suggère les adaptations nécessaires tout en promouvant le dialogue et la coopération avec les collectivités locales et les organismes similaires étrangers. Il examine les questions économiques, sociales et financières en entreprenant les études et enquêtes nécessaires et émet, en conclusion, les avis et suggestions de réformes qui lui paraissent de nature à favoriser le développement économique, social et environnemental de la nation.

Une institution critiquée

Avec un budget estimé à (9) neuf milliards pour un effectif de 120 membres, dont 48 sont issus des organisations socioprofessionnelles, 32 sont des personnalités qualifiées et 40 membres sont associés, le CESE fait toujours jaser, car dans la tête de beaucoup de Sénégalais, l’institution n’est en fait qu’un outil politique budgétivore dont la vocation principale serait de caser une certaine clientèle politique. De toutes les institutions que comptent la République, le CESE est la plus critiquée du fait de son rôle en termes d’utilité publique avec deux sessions extraordinaires par an et un rapport non exploité voire rangé aux oubliettes.

Selon le coordonnateur du Forum Civil, Birahim Seck, « le défi aujourd’hui reste celui de la valorisation des travaux effectués par les conseillers économiques sociaux ». En effet, il révèle que le CESE a travaillé dans plusieurs domaines notamment à l’agriculture, l’énergie, la santé, le numérique, les changements climatiques, les ressources naturelles, la liberté de la presse ainsi que les crises universitaires, des rapports ont été produits à la suite de ces travaux.

Mais malheureusement, se désole-t-il, se pose un problème de valorisation des travaux du CESE. Des recommandations pas toujours appliquées Troisième institution de la République, le CESE peut être saisi soit par le président de la République, soit par l’Assemblée nationale, soit par le Premier ministre pour demande d’avis ou d’étude. Chaque année, le CESE produit un rapport annuel sur la situation économique, sociale et environnementale avec à la clé des recommandations pas toujours appliquées par les pouvoirs publics. Dès lors, on peut s’interroger sur la pertinence de maintenir une telle institution d’autant plus que certaines de ses études existent en doublon dans les ministères.

2-Haut Conseil des Collectivités Territoriale (HCCT).  

Créé en 2016 par le président Macky Sall, avec pour mission, semble-t-il, de compléter l’architecture institutionnelle afin d’accompagner le processus de développement des territoires, le HCCT compte 150 Hauts conseillers désignés pour un mandat de cinq ans. Parmi les membres, 80 conseillers sont élus au suffrage universel indirect et 70 sont désignés par le chef de l’État parmi les membres de la société civile, les organisations socioprofessionnelles et diverses catégories de la société. Le budget du HCCT est de 8,5 milliards.

Le HCCT a pour mission de renforcer la participation active des acteurs territoriaux à la définition, l’instauration et l’évaluation des politiques publiques territoriales. Il élargit les espaces de dialogue, de consultation et de concertation dans le processus de prise de décisions qui engagent la vie des collectivités territoriales, pour une meilleure inclusion des citoyens dans l’identification des besoins et des priorités ainsi que dans la conception et la mise en œuvre des politiques de décentralisation.

1 : Sakanal : économiser Extrait de mon livre : « Réduire le chômage à sa plus simple expression : comment créer un 1 million d`emplois verts ».

Economiste, Président du Parti Ecologique Sénégalais – P-E-S Membre de la plateforme F24

Membre de la coalition Diomaye 2024.

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