Massirin Savané, membre du Secrétariat exécutif d’Aj/Authentique: «Avec les 450 milliards, l’Etat va atténuer le désespoir des jeunes désœuvrés”

Politique

Massirin Savané est d’avis que dans cette affaire Sonko-Adji Sarr, qui était privée, le leader de Pastef a réussi à faire croire à un complot ourdi par le pouvoir. Ce membre du Secrétariat exécutif d’And jëf-Pads/­Au­then­tique n’est pas contre les meetings de remobilisation des partis de la majorité présidentielle, mais estime que de «simples réunions auraient suffi» pour soutenir le Président Macky Sall.

Quelle lecture And jëf/Authentique fait des émeutes de début mars ?

Pour And jëf, les émeutes de mars font suite à une affaire privée opposant deux Sénégalais. Dès l’éclatement de l’affaire, une des parties, en l’occurrence M. Ousmane Sonko, a usé de tout son génie pour faire percevoir ce conflit, tout à fait privé, l’opposant à une masseuse de salon, comme un complot ourdi par le pouvoir pour l’écarter de la course au pouvoir. Malheureusement, sans que le mis en cause n’apporte la preuve de l’implication des tenants du pouvoir, il est arrivé à entraîner une partie de la population, déjà fortement éprouvée par les restrictions de toutes sortes, dues à la pandémie provoquée par le Covid-19, dans son refus de déférer à la convocation de la justice.

Certains pensent que le pouvoir fait exprès de ne pas attribuer ces événements de mars à Sonko, mais plutôt à une jeunesse désœuvrée. Est-ce votre avis ?

Ce n’est pas au pouvoir exécutif d’attribuer ces évènements à Ousmane Sonko, mais à la justice et à la commission d’enquête indépendante qui est annoncée. Il est cependant constant que les émeutes font suite à l’appel de Sonko au «mortal kombat» qu’il a d’ailleurs par la suite rectifié, sûrement après conseils de ses amis, en «droit à la résistance» lors de sa deuxième conférence de presse. Mais le mal était déjà fait avec plus d’une dizaine de morts et plusieurs blessés.

Maintenant, il a fallu comprendre comment Sonko, sans une parcelle de preuve, est arrivé aussi facilement à impliquer autant de jeunes dans son refus d’aller répondre à la justice. Nous ne pouvons pas exclure la fausse perception que le pouvoir ait voulu écarter de la course présidentielle un prétendant sérieux, mais il est certain que le contexte de restriction et de récession mondiale dues au Covid-19 a beaucoup pesé. Ce fort ressentiment refoulé depuis un an, ajouté aux difficultés structurelles de trouver un emploi par les jeunes, était une poudrière sociale.

En effet, alors que 2/3 des 16 millions de Sénégalais ont moins de 35 ans, chaque année, près de 300 mille jeunes arrivent sur le marché de l’emploi sans espoir. Il faut toujours démêler l’origine et la nature d’un conflit. Les appels à l’insurrection de Sonko furent l’étincelle qui a mis le feu aux poudres. Ces appels auraient-ils eu autant d’échos s’il n’y avait pas autant de jeunes sans occupation ? Je ne le crois pas.

D’aucuns estiment que les 450 milliards annoncés pour l’emploi des jeunes ne sont pas une solution durable. Partagez-vous cette réserve ?

A travers le monde, aucun pays n’est encore arrivé à régler définitivement le problème du chômage, surtout pas les pays à économies capitalistes, les meilleurs résultats sont obtenus par la Chine, Cuba et le Vietnam, tous Socialistes. Avec les 450 milliards répartis sur 3 ans, utilisés à bon escient, nous pensons que l’Etat va pouvoir atténuer le désespoir des jeunes désœuvrés en leur trouvant de l’emploi dans les secteurs pourvoyeurs tels que l’agriculture, l’artisanat et une formation professionnelle adéquate pour promouvoir l’auto-emploi. Voyez-vous, il ne faut pas laisser persister l’illusion que tous les demandeurs d’emplois seront satisfaits avec ces 450 milliards.

Les meetings de remobilisation de la majorité présidentielle sont-ils la solution au chômage des jeunes ?

Les meetings de remobilisation de la majorité présidentielle n’ont rien à voir avec la solution du chômage des jeunes. Nous sommes en politique et après ces bouleversements, certains responsables veulent remobiliser leurs troupes à quelques encablures des prochaines élections. Il est vrai aussi que d’autres ont voulu se rassurer et rassurer le capitaine en chef. Cependant, de simples réunions auraient suffi en attendant la campagne électorale pour les Locales prochaines.

Je précise que la majorité n’a encore perdu aucune élection depuis 2012. Cela est sûrement dû à sa solidité, au génie politique de ses dirigeants et à ses mécanismes internes de prise en charge du processus électoral. Depuis l’indépendance de notre pays, la durée de vie de cette coalition est inédite. Il s’y ajoute que les élections locales sont spécifiques en ce sens qu’elles sont des élections de représentation et font appel à l’engagement de leaders locaux et sur ce plan, Benno bokk yaakaar a beaucoup de champions.

Justement, la majorité n’est-elle pas menacée pour les prochaines Locales et cela n’explique-t-il pas les reports répétitifs ?

Le report des élections locales incombe exclusivement à l’opposition qui s’entête dans un processus d’évaluation et d’audit éprouvant en termes de délais alors que le précédent audit a jugé ce fichier fiable à plus de 98%.

Le chef de l’Etat qui doit trancher la date des Locales doit-il sauver le dia­lo­gue politique en penchant pour décembre 2021 ?

La réussite du dialogue politique dépendrait-elle seulement de la date des Locales alors que 25 des 27 points de ces concertations ont fait l’objet d’un consensus ? En réalité, c’est l’opposition qui fait du dilatoire en connaissance de cause du sort que les populations lui réservent.

Aj/Authentique aura-t-il sa propre liste aux prochaines Locales ?

Le principe de ces élections pour And jëf est de faire liste commune avec les candidats officiels de Bby avec le mot d’ordre aux responsables de faire élire le maximum de femmes et d’hommes de préférence jeunes comme conseillers provenant de notre organisation politique. Cela suppose des négociations avec les représentants des autres partis de la coalition pour arriver à des accords locaux. En en matière d’élections locales, c’est le terrain qui commande. Mais en cas de désaccord dans une localité, il sera loisible à Aj d’avoir ses propres listes qu’il pourrait éventuellement ouvrir à d’autres entités de la coalition comme la Confédération pour la démocratie et le socialisme (Cds) ou tout autre entité. Cependant, notre souhait est qu’il y ait accord dans l’ensemble des 557 collectivités locales du pays pour aller en rang serré partout et montrer que la coalition Bby est encore majoritaire de manière hégémonique.

La Cds veut devenir une fédération et, plus tard, un parti unifié. Est-ce vraiment possible ?

L’objectif de la Cds est de devenir une fédération, puis un parti unifié qui va revisiter, actualiser et prendre convenablement en charge les conclusions des Assises nationales desquelles elle tirera son programme de gouvernement. Cela va prendre le temps qu’il faut, mais nous ne voulons pas fêter le 7ème anniversaire de l’année prochaine sans le Manifeste de la fédération. Nous laisserons le temps aux différentes entités de consulter leurs instances pour cela.

Qu’allez-vous faire des autres partis de gauche qui sont dans l’opposition ?

La Gauche recoupe un certain nombre de valeurs. Toutes organisations et partis, qu’ils soient de l’opposition ou de la majorité, qui se retrouveront dans ces valeurs, chemineront sûrement ensemble vers une fédération qui va donc transcender les notions de majorité et d’opposition. Pour nous, l’avenir du Sénégal se conjuguera dans la démocratie, le socialisme et la transparence.

Source : Le Quotidien

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