Mohamed Ben Diop, président de Pass-Pass: «Notre indépendance alimentaire est sous nos pieds»

Politique

Le conflit Russo-ukrainien a bon dos. Dans cet entretien Mouhamed Ben Diop, consultant international en administration des systèmes informatiques, ingénieur financier et par ailleurs président du Pass-Pass/La Conviction Citoyenne affirme que les Sénégalais tiraient le diable par la queue bien avant cette guerre qui a mis davantage en évidence le manque de vision du gouvernement.

WalfQuotidien: Comment jugez-vous les mesures contre la cherté de la vie prises récemment par le président de la République?

Mouhamed Ben DIOP: C’est une lapalissade de parler de la cherté de la vie sans pour autant que cela ne fasse rire le commun des sénégalais. Avant le conflit Russo-ukrainien déjà les Sénégalais tiraient le diable par la queue. Cette guerre a permis davantage de mettre en évidence le manque de vision, d’anticipation du gouvernement actuel avec une absence réelle de programme alimentaire concret malgré tous les slogans qu’on nous sert à longueur d’année juste pour calmer l’ardeur des Sénégalais. Il devait y avoir que des spécialistes à l’importation lors de la prise de ces mesures contre la cherté de la vie, car elles favorisent plus l’importation que la production locale. Ce gouvernement ne comprend toujours pas qu’on ne peut pas et on ne doit pas nourrir sa population en se basant sur l’extérieur. Ça suffit! La conséquence directe, c’est que cela va continuer à fragiliser notre tissu industriel presque inexistant et augmenter le chômage dans nos faibles économies

Pensez-vous qu’elles soient en mesure de freiner la hausse des prix et des denrées ?

Les leviers actionnés jusqu’ici ne sont pas les bons pour freiner la hausse des prix et l’exemple du sucre produit localement est là malgré la baisse de la tva depuis 2012. Le Président qui pense que le prix de revient de l’huile d’arachide ne permet pas de faire de la vente locale, comprenne qui pourra!  Les pays importateurs qui décident de rajouter des axes à l’exportation de leurs produits, l’armateur qui augmente le prix du fret, etc auront significativement un impact sur le prix de revient. A cela, s’ajoute la concurrence, car nous ne sommes plus les seuls marchés pour ces pays exportateurs avec l’augmentation de la population mondiale. Non seulement les prix vont continuer à augmenter, mais la situation socio-économique va continuer à se dégrader au même moment. On aura de moins en moins d’ emplois pour les jeunes, une perte du pouvoir d’achat, une augmentation de la dette extérieure comme intérieure. Et in fine le profilage de la dette sera plus que désastreux et les revenus du pétrole et du gaz ne seront plus un refuge pour garder la confiance des bailleurs. Vous verrez d’ici peu le président reviendra sur «sa répartition» des économies tirées du pétrole et du gaz du fait de l’augmentation de la dette en général et de «l’insoutenabilité» de cette situation de crise que nous traversons. 

Selon vous, quelle est la meilleure formule pour baisser les prix

C’est d’investir massivement dans la production locale avec l’aménagement de plus de surfaces cultivables, renforcer des structures comme l’institut sénégalais de recherche agricole (Isra). Nous devons davantage renforcer l’encadrement des agriculteurs et éleveurs avec la mise en place de vraies coopératives et subventionner la production tout en réduisant les circuits de distribution. Investir dans le matériel de même que le stockage, mais surtout former nos agriculteurs et éleveurs. Nous devons renationaliser les industries chimiques du Sénégal (Ics). On ne peut pas disposer de matières premières pour la fabrication des engrais et on ne peut pas en avoir en quantité et qualité suffisantes. Le président parle maintenant de souveraineté alimentaire, assurons-nous de l’avoir d’abord en intrant afin d’assurer une bonne production.

L’investissement dans le matériel agricole devient un impératif afin de favoriser l’exploitation de surfaces plus importantes. Le Rwanda n’a pas hésité à investir 1milliar de dollars pour la relance de sa production trois mois après le déclenchement de la guerre russo-ukrainienne les premiers résultats sont là cinq mois après. Et nous qu’avons-nous fait? A part, nous ridiculiser en allant quémander du blé.  Nous avons bénéficié d’une bonne saison des pluies, donc une bonne période propice pour renforcer notre production hivernale. Notre indépendance alimentaire est sous nos pieds!

WalfQuotidien

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