Pape Sène, avocat et président du comité sénégalais des droits de l’homme (csdh): «L’article 429 bis du code pénal modifié par la loi n°2016-30 constitue le siège de la fausse alerte comme infraction à la loi pénale»

Politique

 

Walf Quotidien: On n’a pas entendu le Comité sénégalais des droits de l’homme suite aux arrestations des activités Guy Marius Sagna et Adama Gaye, n’est-vous pas complaisant en raison de votre coloration politique?

Pape Sène: Contrairement à ce vous pensez, le comité sénégalais des droits de l’homme s’est prononcé sans ambages sur l’actualité relative à ces deux arrestations en estimant que le simple fait d’inculper des personnes ne constitue pas en soi une violation des droits de l’homme. Le Comité sénégalais des droits de l’homme (Csdh) en a même profité pour rappeler que le rôle d’un défenseur des droits de l’homme n’est point de faire des injonctions au juge pour disculper ou culpabiliser un inculpé, mais bien au contraire il doit veiller au respect des droits de la défense et à la régularité de la procédure d’enquête, d’instruction et de jugement. Le tout sous le couvert de la présomption d’innocence.

On a notifié à Guy Marius Sagna le motif de son arrestation 72 heures après, n’est-ce pas là une violation de ses droits?

Ecoutez, il faut rappeler qu’eu égard à l’incrimination qui a été retenue par les officiers de police judiciaire contre Guy, à savoir fausse alerte au terrorisme ce sont bien entendu les dispositions de l’article 677-28 du code de procédure pénale modifié en 2016 qui s’appliquent et cet article dispose je cite: «par dérogation aux dispositions de l’article 55 du présent code, le délai de garde à vue en matière de terrorisme est de quatre vingt seize heures. Ce délai peut être prorogé de deux nouveaux délais de quatre-vingt-seize heures chacun, sur autorisation du juge d’instruction ou du procureur de la République si le juge d’instruction n’est pas encore saisi».

Il a été inculpé pour ”fausse alerte au terrorisme”, un délit qui ne figure pas dans le code pénal sénégalais et on ne vous a pas entendu dénoncer cela?

Je m’inscris en faux par rapport à cette affirmation gratuite qui consiste à dire que la fausse alerte n’est pas prévue par la loi en tant qu’infraction. En effet, ce sont les dispositions de l’article 429 bis du code pénal sénégalais modifié par la loi n°2016-30 du 08 novembre 2016 qui constitue la base légale pour ne pas dire le siège de la fausse alerte comme infraction à la loi pénale. Cet article dispose je cite: «celui qui, par un moyen ou procédé quelconque communique ou divulgue une information qu’il sait fausse dans le but de faire croire à l’existence ou l’imminence d’un attentat ou d’une explosion, d’une dégradation, détérioration ou menace, est puni d’un emprisonnement de 1 an à 5 ans et d’une amende de 500.000 FCFA à 2.000.000 FCFA».

Adama Gaye a été inculpé d’offense au Chef de l’Etat, n’est-il pas temps d’abroger cet article? Vous êtes proche du président Macky Sall, pourquoi ne plaidez-vous pas la suppression de l’article 80?

Il faut d’abord relever qu’il y a une confusion sur ce point qui mérite d’être rectifiée car l’offense au Président de la république est prévue par la loi numéro 77-87 du 10 août 1977 reprise par l’article 254 du code pénal qui dispose en substance que l’offense au Président de la république est commis par l’un des moyens de diffusion publique y compris tout procédé technique destiné à atteindre le public (exemple les réseaux sociaux via internet ). Donc c’est faire amalgame de dire que l’offense au chef de l’État est prévue par l’article 80 du code pénal.

Cet article 80 a, depuis très longtemps suscité un débat sur sa suppression ou non et ce débat a transcendé tous les régimes qui se sont succédés.  Très honnêtement,  je ne suis pas de ceux qui pensent qu’il faille supprimer cet article 80 pour la bonne et simple raison qu’il tend à protéger la sécurité publique et les lois de notre pays, à prévenir et lutter contre les troubles graves. Pour ma part, je pense que la république doit être protégée contre ces éventuelles atteintes graves et c’est la raison d’être de l’article 80 qui punit les autres manœuvres et actes compromettant la sécurité publique.

Source Walf Quotidien

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